Le chêne et le Roseau

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Le Chêne un jour dit au Roseau :
« Vous avez bien sujet d’accuser la Nature ;
Un roitelet pour vous est un pesant fardeau ;
Le moindre vent qui d’aventure
Fait rider la face de l’eau,
Vous oblige à baisser la tête ;
Cependant que mon front au Caucase pareil,
Non content d’arrêter les rayons du soleil,
Brave l’effort de la tempête.
Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr.
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n’auriez pas tant à souffrir ;
Je vous défendrois de l’orage :
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des royaumes du vent.
La Nature envers vous me semble bien injuste
Votre compassion, lui répondit l’Arbuste,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci :
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables ;
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. » Comme il disoit ces mots,
Du bout de l’horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L’Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au ciel étoit voisine,
Et dont les pieds touchoient à l’empire des morts.

Fable De Jean de la Fontaine (1621-1695)
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