Les communes forestières s’inquiètent

Elles détiennent à elles seules la moitié de la surface de la forêt alsacienne et produisent ensemble l’essentiel du bois mis chaque année sur le marché régional. C’est donc avec une attention toute particulière que les communes forestières ont suivi ces dernières semaines les débats sur une éventuelle réforme de la politique forestière.

lls se retrouveraient en effet en première ligne si le régime forestier national devait être démantelé, comme le préconisait fin décembre une note rédigée par la direction générale du Trésor et adressée au ministre de l’Économie et des Finances (D NA du 10 février).

Celle-ci soutenait, en substance, que le modèle économique de l’ONF devait être revu et que la contribution des collectivités devait être revue à la hausse. Elle envisageait aussi de déléguer la gestion des forêts communales à des prestataires privés.

Depuis, le ministre de l’Agriculture et de la Forêt s’est efforcé de minimiser la portée de ce document technique, assurant qu’il ne s’agissait que d’une note de travail interne qui ne préjugeait en rien des choix qui seront faits.

Le gouvernement « n’envisage aucune privatisation de l’ONF », a-t-il affirmé la semaine dernière sur France Inter, sans exclure cependant un recours accru à des tiers. « Si le travail peut être fait par endroits de manière complémentaire par des organismes privés, pourquoi pas », a-t-il précisé.

Négociations arduesCes déclarations n’ont pas rassuré les communes forestières. « Nos inquiétudes ne sont pas complètement apaisées », confirme Pierre Grandadam, premier vice-président de la fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) et président de l’Association des maires des communes forestières d’Alsace. « Lorsqu’on nous dit que le financement de la part de l’ONF » dans la gestion des forêts communales « est déséquilibré, nous sommes directement concernés ».

Explication : à l’heure actuelle, l’ONF assure la majeure partie de la gestion des forêts communales. L’organisme est rémunéré pour ce service par les communes (sur la base du chiffre d’affaires qu’elles tirent de la vente de leur bois), mais pas suffisamment pour couvrir ses coûts d’exploitation et de gestion. La différence est donc assumée par l’État sous la forme d’un versement compensateur.

C’est cette ligne de financement que la direction du Trésor souhaite aujourd’hui réduire en augmentant la contribution des communes. Première piste : augmenter les prélèvements sur les ventes de bois. Une perspective préoccupante pour les communes qui voient certes les cours du bois remonter quelque peu après plusieurs années difficiles mais qui font face à une nette « progression des coûts de l’accueil du public en forêt, des contraintes environnementales et de la gestion de la faune et de la flore ». En plus, note M. Grandadam, « ce serait contradictoire avec la volonté du président de la République d’accroître la production de la forêt française », note M. Grandadam. Autre proposition : une taxe à l’hectare qui serait, elle, insupportable pour les communes du sud de la France qui ne tirent aucun revenu de leur forêt.

Le chantier ne fait que commencer Les négociations qui vont s’engager dans le cadre de la préparation du prochain contrat de plan État-ONF 2012-2016 s’annoncent donc ardues. « Nous souhaitons être signataires » de ce document de cadrage, précise le vice-président de la FNCOFOR, « mais cela ne sera pas possible sans une clarification de la politique » de l’État.Le conseil d’administration de la fédération et le comité directeur de l’association des maires des communes forestières d’Alsace ont du coup demandé, en préalable, que les ministères en charge de la forêt s’engagent à « maintenir le régime forestier, garant d’une gestion durable et multifonctionnelle des forêts » ainsi « qu’un opérateur unique, l’Office national des forêts qui assure une mission de service public au bénéfice des communes ». Ce n’est que sur cette base qu’il sera possible de discuter.

« Pour l’heure, constate M. Grandadam, les propos semblent tenir compte de nos attentes. Mais nous ne baisserons la garde que lorsque nos autres revendications auront été entendues ». Les communes ne veulent pas entendre parler d’une remise en cause du montant compensateur ni d’une augmentation des frais de garderie. Elles demandent le maintien du maillage territorial de l’ONF et veulent avoir voix au chapitre. Les maires réclament en effet la création, au sein de l’ONF, d’un comité consultatif de la forêt communale. Le chantier ne fait donc que commencer. « La difficulté, concède Pierre Grandadam, sera d’arriver à une clé de financement acceptable et partagée par les communes ».

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